samedi 1 mars 2008

Les privatisations en Belgique

Je rapportais ici un-et-le message pré-formaté, du type dont on a déjà diserté ici.

Je tombe sur un article d'un intérêt extrême sur "Les privatisations en Belgique. La mutation des entreprises publiques 1988-2008", de Jacques Moden, Collaborateur extérieur du Crisp que voici:
« Les privatisations n’ont guère contribué à la réduction de la dette publique » 28 février 2008

En vingt ans, l’État belge a privatisé les institutions publiques de crédit et la plupart des entreprises publiques, partiellement ou totalement. Exit la RTT, devenue Belgacom, société privée cotée en Bourse, dans laquelle l’État détient encore la majorité ; exit la Sabena, qui s’est « crashée » après un mariage raté avec Swissair ; exit la CGER, aujourd’hui intégrée au premier groupe financier du pays, Fortis ; etc.

La privatisation des entreprises publiques était devenue, dès le début des années 80, l’un des leitmotivs de la vague néolibérale. Notre pays est resté longtemps à la traîne. Mais, quand bien même l’idéologie n’a jamais été un moteur des privatisations en Belgique, le niveau d’endettement public suffisait à nourrir le désir des différents gouvernements successifs de céder les « bijoux de famille ».

Il n’existe aucun rapport officiel qui trace le bilan des privatisations.
  • Quelle fut la motivation principale des privatisations ?
  • Permettre à ces entreprises de se développer, en leur facilitant l’accès au marché des capitaux ou en les adossant à un partenaire présumé solide ?
  • Ou, de manière opportuniste, permettre au gouvernement de boucler, année après année, son budget ?

Le mouvement de privatisation a commencé dès la fin des années 70 en Grande-Bretagne, quand Margaret Thatcher est devenue Premier ministre.
En France, l’essentiel des privatisations a eu lieu dans les années 80.
En Belgique, les privatisations n’ont commencé qu’en 1992-1993. D’une part, il fallait respecter les critères du Traité de Maastricht pour pouvoir intégrer l’Union économique et monétaire – et, partant, réduire l’endettement public.
D’autre part, ces entreprises avaient besoin d’argent frais que l’État, impécunieux, était incapable de leur fournir.
Ainsi, par exemple, les fonds propres des institutions publiques de crédit (Crédit communal, CGER, SNCI, OCCH…) étaient insuffisants au regard des normes bancaires. Le problème était manifeste à la CGER. Il était beaucoup moins pressant au Crédit communal. Mais, après la fusion avec le Crédit local de France, les communes, qui détenaient 50 % du nouvel ensemble, n’ont pas beaucoup hésité quand elles ont vu ce qu’elles pouvaient retirer de la vente de leur participation (NDLR : le holding communal détient encore 15 % de Dexia).


En règle générale, l’État, incapable de recapitaliser ses entreprises, a dû rechercher des partenaires privés. C’est évident dans le cas de La Poste : le partenaire danois a apporté du capital dans La Poste (et non dans les caisses de l’État), en échange d’une participation.
Les objectifs ont-ils été atteints ?
Les privatisations n’ont guère permis de réduire la dette publique, tous niveaux de pouvoir confondus.


Combien les privatisations ont-elles rapporté à l’État ?
Les estimations vont de 15 à 25 milliards d’euros. Mais les chiffres sont contestés et contestables. Ainsi, par exemple, l’État a revendu le portefeuille de crédit de l’OCCH pour 3 milliards de francs, après avoir réinjecté… 5 milliards de francs pour effacer l’endettement et éviter la faillite de l’institution. Je propose une estimation prudente : 17 milliards d’euros (y compris la vente de Cockerill par la Région wallonne et de la participation de la Région flamande dans Sidmar, mais hors ventes de biens immobiliers).
En comparaison, la dette a culminé à 300 milliards d’euros ! Les privatisations n’ont donc pas contribué à améliorer de manière décisive nos finances publiques.

Pour les entreprises, si l’on fait exception de la Sabena et de la RTM (Régie des transports maritimes) le bilan est plutôt positif : globalement, elles sont en meilleure santé qu’il y a quinze ans, ayant été confortées (par exemple, Belgacom ou le Crédit communal) ou intégrées dans des ensembles plus solides (comme la CGER ou Distrigaz). Un nombre relativement restreint est passé sous contrôle étranger : c’est le cas de Distrigaz, du Crédit agricole, de la SPE, de Biac, de Cockerill Sambre.
Mais l’emploi a trinqué. Chez Belgacom, par exemple, les effectifs ont été réduits de 42 % !
Les réductions d’emploi ont été importantes. Vous citez Belgacom, mais toutes les entreprises de téléphonie ont considérablement réduit leurs effectifs. Peut-être l’emploi aurait-il moins diminué si ces entreprises étaient restées publiques. Mais les effectifs de la SNCB, par exemple, se sont également contractés, de 19 % en quinze ans.








Dans le cas de la Sabena, l’alliance avec Swissair devait permettre le sauvetage de la compagnie aérienne nationale. Mais l’aventure s’est terminée par un naufrage. Les responsabilités de l’État dans cette mésaventure n’ont jamais été éclaircies. On a même accordé la décharge aux représentants de l’État belge au Conseil d’administration de la compagnie…
Une commission parlementaire a été mise sur pied, mais aucun responsable n’a été désigné nommément.
En réalité, quarante gouvernements successifs portent une responsabilité : la Sabena n’a jamais disposé des moyens financiers dont elle avait besoin et s’était hyperendettée. Air France, un moment intéressée, s’est retirée. Je crois qu’il était trop tard pour sauver la compagnie. L’alliance avec Swissair n’a rien arrangé.
On a souvent reproché à l’État de vendre ses participations au rabais. L’exemple le plus souvent cité est celui de la CGER, dont la première tranche de 25 % a été cédée contre 15 milliards de francs, et la quatrième, contre 50 milliards…
Au moment où l’État a cédé la première tranche du capital de la CGER, personne n’a dit qu’on vendait trop bon marché… Il est exact que l’État a vendu pour une bouchée de pain la SNI, qui détenait une participation de 50 % dans Distrigaz. Mais à l’époque, tout le monde se réjouissait de l’opération.

En revanche, les ventes d’immeubles publics en vue de leur relocation ont suscité plus de controverses…
Les opérations de vente puis de relocation d’immeubles (sale and rent-back) – l’essentiel des ventes d’immeubles par l’Etat – ont rapporté deux milliards d’euros. Mais selon la Cour des comptes, elles coûteront plusieurs milliards sur le long terme.
Pourquoi les avoir réalisées ?
Parce qu’il fallait boucler le budget de l’État. Ainsi, il est symptomatique que les ventes d’immeubles aient généralement été décidées au mois de décembre !


"[3] PAPY2 envoyer un message personnel dit le 28/02/2008, 22:26
Sale and rent-back Si on n’a pas d’argent et des immeubles inadaptés, il est préférable de les vendre avant qu’ils ne tombent en ruine.--- Après remise aux normes modernes l’acheteur les louera à l’Etat généralement pour une longue période---. Les immeubles sont souvent récupérés à la fin du bail dans l’état où ils se trouvent et le loyer prévoit généralement un montant pour la rénovation tous les 25 ans. ----Les fonctionnaires travailleront ainsi dans des conditions décentes, l’Etat est généralement un mauvais gestionnaire d’immeuble, l’acheteur qui possède souvent plusieurs immeubles dans le même quartier à intérêt à conserver un certain standing aux immeubles et il dispose pour ce faire d’un personnel spécialisé.----Pour le budget ce procédé permet d’éviter des fluctuations importantes obligeant à postposer et à attribuer des priorités source de conflits
"







Il n’y a jamais eu de rapport officiel sur les privatisations. Pourquoi ?
Le Bureau du Plan a réalisé deux bilans comptables des privatisations. Mais au delà, rien. Le parlement a pu de temps en temps poser l’une ou l’autre question sur telle ou telle opération… Mais le débat annuel sur lequel s’était engagé en son temps le ministre des Finances, Philippe Maystadt, n’a jamais eu lieu. Il est vrai qu’à la différence d’autres pays, la Belgique n’a pas eu de loi qui fixait le cadre des privatisations. Et puis, il existait, en Belgique, un consensus, toutes familles politiques confondues.

Pensez-vous que le processus de privatisation soit achevé ?
L’État est encore actionnaire de grandes entreprises, soit totalement – la SNCB – soit majoritairement – Belgacom ou La Poste. La cession de la participation dans Belgacom ne poserait pas de problème ; elle pourrait intervenir très rapidement.
La SNCB, quand elle aura retrouvé la rentabilité financière, pourrait suivre – à l’exemple des chemins de fer allemands, qui sont prêts à être introduit en Bourse.
La Loterie nationale pourrait être privatisée – bien que la perspective de voir l’entreprise perdre son monopole en réduise la valeur – ou les autoroutes. Voire la Sécu, comme en Suisse, mais dans ce dernier cas, cela ne rapporterait rien à l’État.

Ouvrage à lire d'urgence, donc !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

NDD !

himself a dit…

Posté sur :
http://www.lesdoigtsdanslacrise.info/index.php?post/2008/02/06/Les-vieilles-ficelles-budgetaires-du-federal#c27

J’ai relayé un article du journal Le Soir, d'un intérêt extrême à propos du bouquin "Les privatisations en Belgique. La mutation des entreprises publiques 1988-2008", de Jacques Moden, Collaborateur extérieur du Crisp que voici:
« Les privatisations n’ont guère contribué à la réduction de la dette publique » 28 février 2008

L’article inclus une approche du « sale and rent-back » : les ventes d’immeubles publics en vue de leur relocation ont suscité plus de controverses…
Les opérations de vente puis de relocation d’immeubles – l’essentiel des ventes d’immeubles par l’Etat – ont rapporté deux milliards d’euros. Mais selon la Cour des comptes, elles coûteront plusieurs milliards sur le long terme.
Pourquoi les avoir réalisées ?
Parce qu’il fallait boucler le budget de l’État. Ainsi, il est symptomatique que les ventes d’immeubles aient généralement été décidées au mois de décembre !
- j’ai inclus également un autre commentaire, mais l’auteur précise autre part dans l’article :
- En règle générale, l’État, incapable de recapitaliser ses entreprises, a dû rechercher des partenaires privés.

Ouvrage à lire d'urgence, donc !

http://www.lesoir.be/forum/a_bout_portant/article_580672.shtml
http://grand-barnum.blogspot.com/2008/03/les-privatisations-en-belgique.html