lundi 19 mai 2008

Des crapules

Je me fais le relais d'un message reçu, dont je ne partage pas forcément les orientations, mais dont la sincérité et l'absence de haine justifie sa publication. Je suis également "interpellé" par l'atteinte aux droits de la défense et aux défenseurs.
Je n'ai pas vraiment d'avis tranché sur le sujet, autre que sur la forme: il y a des lois dans ce pays et il faut les respecter pour que la vie en société soit possible et donc vivable. Il est possible que des lois soient mauvaises ou à améliorer; mais si des lois ont été promulgées démocratiquement, il faut les respecter.
En clair, si des personnes doivent être expulsées, il faut les expulser et elles doivent se laisser expulser.


NOUS SOMMES DES CRAPULES QUI DEFENDONS DES CRAPULES

Certes, ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons recours à ce langage peu châtié, mais nous nous sentons tout à fait à notre place dans la confrérie des insultés inaugurée lors de la manifestation des sans-papiers, à Bruxelles, le 29 avril, alors qu’un avocat qui s’inquiétait du droit des étrangers s’est vu traité de crapule qui défend des crapules par un commissaire de police.
Ce serait un honneur, vraiment, d’y figurer.
Comme ce serait un privilège également, de faire partie de la liste noire établie par Brussels Airlines, aux côtés de Serge Ngajui Fosso, qui a mérité cette place après s’être insurgé contre l’expulsion violente d’un non-Belge (si l’on veut bien considérer qu’appliquer un coussin contre la figure d’un expulsé récalcitrant pour le refouler tranquillement n’est pas de la plus extrême douceur, merci).
A ce propos, Ebenizer Folefack Sontsa, l’expulsé récalcitrant, est mort depuis, dans le centre fermé où il avait été reconduit, en attendant qu’une prochaine tentative d’expulsion eut pu se faire sans crapule pour la perturber. Il s’est suicidé, dit l’Office des Etrangers ; c’est à voir, disent ses proches et son avocat.
C’est curieux d’ailleurs, quand on y pense, qu’un sans-papier puisse encore avoir des proches et un avocat, qui vont même jusqu’à discutailler sur sa façon de mourir. Est-ce normal? N’y aurait-il pas moyen de simplifier tout ça, de faire en sorte qu’un sans-papier soit aussi un sans-proche et un sans-avocat, surtout quand il devient un sans-vie? Ce serait plus facile pour la police, pour l’Office des Etrangers et pour Brussels Airlines, de vaquer à leurs petites affaires d’expulsion, d’étouffement et de maintien de l’ordre, sur la voie publique et dans les avions.
On suggère, c’est tout.
En attendant, des hommes, des femmes et des enfants sont traqués, arrêtés, envoyés dans des centres fermés, étouffés parfois, acculés au suicide, ou déclarés morts, chez nous, et non pas dans une quelconque république africaine qu’irait sermonner un Ministre des Affaires Etrangères féru des droits de l’homme (c’est juste un exemple). Mais les droits de l’homme sont à géographie variable, n’est ce pas?
Et pour quelle raison sont-ils traités de la sorte? Parce qu’ils existent et parfois même tentent de vivre- nous avons beau nous creuser la tête, nous ne voyons pas d’autres raisons - et que cela dérange.
Ainsi faut-il dire, pour résumer, qu’un sans-papier est un sans-rien, un sans-droit, un sous-humain qu’on peut jeter comme une chose quand elle n’est pas utile, à la seule différence que, contrairement à la chose, ce sans-gêne peut crier, et qu’il est donc nécessaire de recourir au coussin pour le faire taire, c’est un peu plus ennuyeux. Et il est évidemment crapuleux de sa part de revendiquer le droit d’exister et d’être traité en n’importe quel endroit de ce monde comme un être humain (un quoi ? demandent les non-crapules), avec respect et humanité.
Et alors, oui, il est tout aussi crapuleux de défendre ces crapules qui se targuent d’exister, crapuleux de se battre pour qu’ils soient… ce qu’ils sont en réalité, des êtres humains pareils à nous (pardon, des crapules), et crapuleux de le proclamer comme une évidence, haut et fort, que ce soit dans la rue, dans cette lettre, ou dans un avion de Brussels Airlines.
Ca fait un peu bête, dit comme ça, plat, trivial, genre vérité crapuleuse : un être humain égale un être humain, on va finir par se répéter…
Voilà pourquoi nous sommes, oui, décidément, des crapules (c’est à dire des citoyens ordinaires), fiers de l’être, mais honteux de la politique scandaleuse menée par notre Etat à l’égard des étrangers indésirables. Si vous aussi vous vous sentez un peu en colère, un peu écœuré, ou beaucoup, mais un peu seul, bienvenue au club des crapules, on ne sera jamais trop : en ce qui concerne notre qualité élémentaire que l’on appellera, pour faire vite, l’humanité (encore un gros mot c’est sûr), et qui constitue notre patrimoine commun, si si, y’a du boulot ; un boulot crapuleux.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Très cher himself,

L'immigration et le drame des sans papiers font partie de ces questions qu'il est extrêmement difficile d'aborder sereinement de manière dégagée de tout a priori dogmatique. J'avais en son temps posé une question qui me semblait pertinente et interpelante - en toute innocence idéologique - à ce sujet sur mon blog.

Le libre marché de l'immigration

Je n'ai encore jamais été manifester à Vottem mais les témoignages comme ceux de cet avocat, ou encore celui de ce Français qui a vu ses droits les plus élémentaires bafoués, sont de nature à faire pencher ma balance interne...

himself a dit…

François, voilà qui est joliment formulé et ton article avait échappé à ma vigilance.
Comme exprimé dans mon post, je ne maîtrise pas l'ensemble des subtilités de ce délicat dossier et je m'abstiens donc de cplus de commentaires.

Anonyme a dit…

J'ai eu à faire à l'office des étrangers il y a quelques années, lorsqu'ils s'étaient mis en tête d'expulser un gamin de 16 ans, rwandais, orphelin et aveugle qu'un de mes amis avait recueilli. Ces crapules infâmes n'ont aucune humanité, ce sont des robots, pire encore puisque les robots suivent une certaine logique. Ce sont des comptables. Faut qu'il y en ait plus qui sortent et moins qui entrent. Ce sont des abrutis, des fonctionnaires stupides, des menteurs qui jouissent d'une impunité qui fait vomir.