mardi 9 décembre 2008

Sarkozy a mangé tout crus les "p'tits Belges"


Francis van de Woestyne et Ariane van Caloen de La Libre Belgique publient dans Courrier International un article sur les dessous de ce qu'avait légèrement devoilé Axel Miller lors de la dernière émission de "Répondez à la Question" ...

Comment Convoqué à l'Elysée par un Sarkozy arrogant et impérial, le Premier ministre belge a dû avaler couleuvre sur couleuvre dans le dossier Dexia. On ne lui a même pas épargné le cigare tôt le matin.

Récit d'une humiliation.

Mardi 30 septembre. Six heures du matin. Enfermés dans le bureau de Nicolas Sarkozy, président de la République française, François Fillon, Premier ministre, et Christine Lagarde, ministre des Finances, viennent de transmettre à Yves Leterme, Premier ministre belge, les conditions (les ordres plutôt) posées par la France pour participer au sauvetage de Dexia (trois milliards cash). Axel Miller, le patron belge de Dexia, doit être viré. Les Belges réfléchissent. Miller, les hommes politiques l'aiment plutôt bien. Juriste de 43 ans, parfait polyglotte, aimé de son personnel, travailleur à toute heure.
Sans jouer les Zola, on peut dire que sa grand-mère, d'origine russe, a vécu dans la pauvreté. A la maison, on lisait Le Monde comme ailleurs on lit la Bible. Et on allait en vacances dans le Larzac. Donc, débarquer Miller, ça fait un peu mal. Mais un moment de gêne et de honte est vite passé.

L'hésitation est de courte durée car, à Paris, le maître de l'Elysée s'impatiente. Miller doit payer pour les fautes qu'il a commises. Il doit assumer les conséquences de sa mauvaise gestion. Quelles fautes a-t-il commises ? Sans doute a-t-il eu tort de tenir tête quelquefois aux Français, notamment lorsque ceux-ci voulaient transférer le siège de Dexia de Bruxelles à Paris.
Et puis Miller, disent les Français, a caché la réalité financière de la banque, qui est beaucoup plus mal en point qu'il n'a bien voulu le dire. Il y a donc une rupture totale de confiance. Mais il y a aussi la volonté française, à peine voilée, de profiter de l'instant pour mettre la main sur Dexia. Les Belges tentent d'argumenter : si Dexia a aujourd'hui un gros problème, c'est parce qu'une de ses filiales, FSA, est très exposée aux Etats-Unis.
Mais rien n'y fait. Un ministre belge témoigne : "Depuis le début de l'épisode Dexia, Sarkozy voulait placer Mariani, son ancien chef de cabinet, à la tête de la banque. Il ne pensait qu'à ça. Nous, on lui parlait de plan stratégique… et lui nous répondait chaque fois que tout ce dont Dexia avait besoin, c'était d'un nouveau management.
Il nous a dit :

‘On va débarquer Axel Miller. Point final.'

" Et puis Axel Miller a un ennemi dans la place. Bruno Deletré, ancien responsable de FSA, a été viré de la direction de Dexia en juin par Axel Miller. Or Bruno Deletré est devenu conseiller… de Christine Lagarde. Quelle que soit l'influence de Deletré dans cette affaire, l'Elysée fait donc du départ de Miller un préalable. Dans la foulée, les Belges, tant qu'à faire, demandent qu'Axel Miller ne soit pas le seul à faire les frais de l'opération. Si le management doit payer pour les fautes commises, il en est un autre qui doit sûrement faire un pas de côté, le Français Pierre Richard, président du conseil d'administration de Dexia, l'homme qui a amené la filiale américaine FSA, très exposée en matière de produits toxiques, dans la dot du Crédit local de France et donc de Dexia. Avec le recul, certains pensaient que les Belges auraient dû dire aux Français : "Allez au diable, on met trois milliards de plus, on garde Miller et le contrôle belge."
Mais la nuit est un vrai Waterloo pour les Belges : ils perdent le PDG et doivent accepter que les Français montent en force dans Dexia. Vers 6 h 30 du matin, donc, les Belges donnent leur accord : Miller et Richard sont virés. Ce sera sans appel. La négociation entre Belges et Français dure encore un peu. Certains autour de la table auraient voulu que, dans le communiqué final, on rende quand même hommage à Axel Miller. Refusé. Le moment est pathétique. Bye bye Miller.

La Bourse salue à sa manière le sauvetage de Dexia, dont l'action retrouve un peu d'air. Mais Dexia est toujours sans management. Et les Français veulent régler cela au plus vite. Yves Leterme et Didier Reynders, vice-Premier ministre et ministre des Finances belges, sont donc "convoqués" à l'Elysée. Les photos prises lors de cette rencontre montrent à quel point l'ambiance est assez glaciale. Sarkozy remet sur la table le problème du management. On sent bien que cela a été préparé à l'avance. Pour lui, même si les Belges ont toujours le contrôle, c'est un Français qui doit maintenant devenir PDG du groupe. Il ne doit pas aller chercher très loin : Pierre Mariani, son ancien chef de cabinet. Les Belges ne peuvent, ne savent ou ne veulent pas dire non.
"Sarkozy, raconte un homme présent à la table de l'Elysée, est vraiment tout-puissant. Et il aime le montrer."
Pendant la réunion, il réclame un cigare. Un huissier vient lui proposer une petite boîte de havanes. Il le renvoie et réclame la version maxi, une boîte avec des cigares de premier choix qu'il propose à ses hôtes. C'est lui qui dirige la réunion. Les autres font de la figuration. Lui, il n'a pas besoin de consulter dans tous les sens pour prendre une décision. C'est bien simple, quand Sarkozy est là, Fillon ne bouge pas. Fillon n'ouvre la bouche que pour respirer. Sarkozy fonctionne comme cela avec l'ensemble de son gouvernement.

Au Conseil européen de Bruxelles qui suivra, les 15 et 16 octobre, Sarkozy fera le même numéro : il s'est tourné vers Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, et lui a lancé, devant les collègues :
"Tiens, va me faire des photocopies…"

Donc voilà, Sarkozy impressionne les p'tits Belges. Si les Français font main basse sur le comité de direction de la banque, ils doivent, eux, trouver un président de conseil d'administration. Yves Leterme a préparé le terrain et propose Jean-Luc Dehaene. Ses collègues ne sont pas tous convaincus de la pertinence du choix. Mais, vu du côté belge, Dehaene permettra de rassurer les clients et les actionnaires institutionnels.



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