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Le préformateur Elio Di Rupo joue les rappels
Le préformateur a remis sa démission au Roi dimanche soir. Albert II l’a refusée. Et a chargé Di Rupo de plancher encore sur un compromis communautaire.
Laeken, we have a problem. Dimanche soir, 77 jours après le scrutin du 13 juin, confronté à une série de blocages dans l’exercice de sa mission, le préformateur Elio Di Rupo s’est rendu à Laeken auprès d’Albert II - à peine rentré de Suisse où il était allé rendre hommage à la mémoire de la reine Astrid - pour lui demander d’être déchargé de sa mission. Après trois heures de discussion au Château de Laeken, le Roi a refusé la démission du président du Parti socialiste et lui a demandé de poursuivre sa mission. Elio Di Rupo a accepté - allant même jusqu’à surprendre ses propres lieutenants qui étaient persuadés que leur président allait jeter l'éponge...
Selon le communiqué publié dimanche à l’issue de l’audience royale, le Roi a demandé au préformateur de poursuivre sa mission en particulier sur:
- Bruxelles-Hal-Vilvorde;
- Le refinancement de Bruxelles;
- Les modalités de préparation de la nouvelle loi de financement sur base des 12 principes convenus et sur les liens entre ces trois sujets afin de rétablir la confiance entre les négociateurs
-Le Roi a également demandé au préformateur de réunir les partenaires sociaux afin de parler avec eux des matières qui les concernent plus directement.
Le socialiste Di Rupo, qui n’a pas pu, après huit semaines de travail acharné, concilier les points de vue communautaires des trois partis francophones (PS, Ecolo, CDH) avec ceux de la N-VA et du CD&V avait demandé au Souverain à être déchargé de sa mission. Les socialistes flamands ainsi que Groen! ont, eux, rallié la position du préformateur . Quoi qu’il en soit, le "forcing" royal de ce dimanche soir évite - pour l’heure - au pays de sombrer dans une crise politique de grande ampleur. "Car c’est bien plus qu’une petite crisette politique qui menace, c’est dramatique, on ne voit pas comment on va pouvoir s’en sortir", avouait d'ailleurs un président de parti francophone dimanche soir. Et c’est tout sauf une surprise: la faillite de la préformation gouvernementale a été scellée par le dossier de la scission de l’arrondissement de BHV ainsi que celui du refinancement de la Région bruxelloise.
La (toute) grande majorité des responsables politiques - tant francophones que flamands - rendent aujourd’hui la N-VA responsable de l’échec de ce week-end. "Bart De Wever s’est caché pendant des semaines, enrage un négociateur francophone. Il s’est contenté de dire non à tout ce que nous proposions".
Elio Di Rupo doit s’exprimer, ce lundi matin, lors d’une conférence de presse, sur sa mission et les raisons qui l’ont poussé à rester en selle alors qu’il paraissait avoir tout tenté pour arracher un compromis ce week-end.
Allez, récit des heures cruciales qui ont amené à ce nouveau pic de tension communautaire.
Les négociateurs s’étaient retrouvés sur le coup des 18h, samedi, au cabinet de la CDH Joëlle Milquet. Ambiance morose, dès le départ. Les réunions bilatérales succèdent aux petits caucus. De fil en aiguille, les heures passent.
Vers 2h30 du matin, Elio Di Rupo met une dernière offre sur BHV et le refinancement de Bruxelles sur la table. La voici:
-Scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. "Une scission tellement vraiment propre et nette. C’était une chance à saisir", se désole un négociateur flamand
-Au niveau du refinancement de Bruxelles: 300 millions d’euros structurellement chaque année (bétonnés dans une loi spéciale) à partir de 2011. Et 50 millions d’euros supplémentaires (liés au remodelage de la loi de financement) en 2012, 100 millions en 2013, 150 millions en 2014, 200 millions d’euros en 2015. Cette année-là, donc, Bruxelles devrait recevoir 500 millions d’euros, selon cette proposition.
-15 milliards de transferts de compétences
- Adaptation de la Région bruxelloise lors du remodelage de la loi de financement (rationalisation, fusion des zones de police,...)
Bref, les chiffres s’entrechoquent dans la tête des négociateurs. Mais rapidement, Bart De Wever prend la parole: "Est-ce que je peux te voir trente secondes en tête-à-tête Elio?"
Les deux hommes quittent la réunion et se rendent dans la petite pièce attenante. Entre quatre yeux, le président de la N-VA propose un deal PS/N-VA au préformateur. "Proposons un "cluster", une solution globale sur la scission de BHV, le refinancement de Bruxelles et la loi de financement aux autres partis, explique De Wever à Di Rupo. Et ce serait une offre à prendre ou à laisser"... La discussion se prolonge, Di Rupo ne dit ni oui ni non, et les deux hommes rejoignent les autres négociateurs après 45 minutes de tête-à-tête. Le préformateur, qui sait à cet instant que la N-VA n’accepte pas sa dernière proposition, échange alors discrètement une série de petits mots avec sa chef de cabinet Anne Poutrain. Il sait (aussi) que le CD&V emboîtera le pas à la N-VA. Mais rapidement, il choisit de maintenir sa proposition sur la table.
- "Bon, résume Di Rupo, ma dernière proposition est connue. L’impasse est totale, apparemment. Bart, tu dois dire quelque chose"...
-"Cette proposition n’est pas suffisante et ne nous convient pas", place alors De Wever. Caroline Gennez (SP.A) et Wouter Van Besien (Groen!) ont alors indiqué qu’ils étaient d’accord avec la formule de Di Rupo. Et le président du CD&V Wouter Beke... a préféré se taire. "Il n’a pas dit un seul traître mot", raconte un participant.
-L’Ecolo Jean-Michel Javaux intervient pour enjoindre tout le monde à prendre ses responsabilités: "Il y a d’autres points que le communautaire: la rentrée est d’ici quelques jours et il y a des urgences socio-économiques", a-t-il rappelé en marquant son accord à la proposition Di Rupo. Et Joëlle Milquet a enchaîné en s’adressant à Bart De Wever: "Vous dites non à la proposition mais vous n’avez aucune alternative!"
-Le ton est légèrement monté, le préformateur a repris la parole. "Voilà, on a tout essayé, moi je vais chez le Roi ce dimanche soir."
- "Ce soir?!, s’est étonné De Wever. Je pensais que tu y allais lundi"...
-Di Rupo: "Pourquoi encore attendre? ça ne sert à rien".
-Laurette Onkelinx: "Elio, mais si quelqu’un veut encore réflechir et te contacter pendant la journée, laisse leur le temps". Ainsi s’acheva cette réunion cruciale, vers 3h45. Mais aucun signal ne viendra du CD&V ou de la N-VA durant toute la journée du dimanche. Que les négociateurs passent en famille ou à regarder le dessin animé Shrek4. Ou à commenter le travail du préformateur. Au CDH, on dit: "Elio a été calme, diplomate, persévérant". Chez Ecolo: "Il a vraiment été au-dessus de la mêlée, dans son costume de préformateur". A la N-VA: "Elio Di Rupo n’a pas compris que s’il voulait une chance de devenir Premier ministre, il devait à un moment donné trahir sa Communauté. Verhofstadt l’a fait avec enthousiasme et Leterme a mis deux ans à le faire". Et au CD&V: "Elio Di Rupo ne concède pas grand-chose parce que, finalement, il ne veut pas se mettre les francophones à dos". Bref, même dans le débriefing de la réunion, on n’est pas d’accord.
Mais le cow-boy Di Rupo reste en selle.
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